Des humains ailleurs que dans la Botte ? Impossible. La situation est réglée depuis plus de deux mille de leurs années : le monde d’Avalonia tout entier, leur « Terre » est aux faës, qui concèdent, dans leur générosité, une réserve naturelle aux mortels. Certes ici et là, sur certaines îles rocheuses inhospitalières, dans des grottes putrides, il y a bien quelques humains sauvages, mais rien qui ne doive mobiliser l’attention des gracieux immortels.
Et pourtant. En 2057 du calendrier mortel, une dame faë s’ébattant dans l’eau pure d’un lac jure avoir été épiée par un humain qui a disparu aussitôt. Problème : cette scène étrange se passait dans une région sauvage au Nord d’Euphrosia, très loin de toute activité humaine. En 2060, voilà que des chasseurs faës tombent, littéralement, sur deux humains, qui apparaissent sous leurs yeux et disparaissent aussitôt. Si la joyeuse bande met d’abord cela sur le compte d’une farce, d’une illusion tissée par une autre faë, les faits mystérieux continuent de se produire, puisque quelques temps après, en plein milieu de Crannog on trouve le cadavre d’un humain qui s’est brûlé à mort en essayant d’ouvrir une porte piégée. Problème : le cadavre était là depuis plusieurs lunes, mais n’avait pas été remarqué par les centaines de faës qui passaient à quelques centimètres tous les jours, comme invisible à leurs yeux. Et quand on prit conscience de son existence, il disparut presque aussitôt.
A ce stade toutes les hypothèses étaient émises, mais cela restait une aimable curiosité. Les seigneurs estimaient qu’il y avait là un jeu, un amusement, ne s’enlevaient pas de la tête qu’il s’agissait forcément d’un canular comme les faës en font tant, mais qui était simplement particulièrement bien orchestré et organisé à l’échelle d’Avalonia. Pas de quoi s’inquiéter, donc.
Mais voilà. Le premier jour de l’an 2063, alors qu’un seigneur en provenance du domaine du Soleil est en visite à Italica afin de se procurer quelques serviteurs mortels, un humain apparaît littéralement de nulle part en face de lui, poignard en fer à la main, et le tue, avant de disparaître aussi vite qu’il était arrivé. Les témoins remarqueront que le tueur se trouve littéralement couvert de tatouages très complexes, le crâne rasé. Cette fois-ci tout change, et les réactions ne se font pas attendre.
Du côté des humains d’Italica, on tremble de peur et on redoute une vengeance sanglante, tout en ne comprenant pas qui peut être cet assassin si étrangement mis, qui ne ressemblait pas à un habitant du royaume. Du côté des Hommes de Fer on se dit que si d’autres mortels du même acabit existent, si c’est l’œuvre d’une organisation, il faute vite les contacter afin de former une alliance. Et du côté des faës, on se déchire, tout en étant d’accord sur un point : les humains d’Italica et leur roi seraient bien incapables d’orchestrer des évènements aussi mystérieux. Malgré cette prise de conscience, nombre de faës veulent une vengeance exemplaire. Certaines autres souhaitent plutôt la conciliation, tandis que quelques unes persistent, malgré tout, à ne voir en ces évènements qu’une occasion d’amusement.
Toujours est-il que le Domaine du Soleil et les Trois Sœurs ont convoqué une grande assemblée des seigneurs et dames du Peuple Faë au Cercle de la Nouvelle Cité pour tâcher de trouver une réponse commune, tandis que, à Italica, le roi tente d’apaiser ses sujets par un grand tournoi d’adresse et de mérite, histoire de faire oublier la crainte d’anéantissement imminente par un fastueux divertissement.
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